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De la dissolution de la démocratie dans la ploutocratie
personals [ ]
Dégoût et désarroi d'un électeur - PARTIE 4

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by [triton ]

2025-05-17  | [This text should be read in francais]    | 



Des élites politiques déconsidérées et méprisées

La crise actuelle de la politique est parfois surinterprétée – par exemple en France dans les analyses de Christophe Guilluy, auteur de « La France périphérique » et de « Les dépossédés » - comme une rupture radicale entre des élites bourgeoises, thuriféraires des idéologies du progrès et de la croissance, promouvant toutes les « fluidités » communautaires, etc. et le peuple, qui se sent à l’écart de la richesse et du dynamisme du pays, presque reclus dans des territoires délaissés, et menacé dans son existence, assimilant la « fluidité » à du wokisme sapant les fondements de son identité. Il me semble pourtant qu’il n’y a pas de rupture et que, au contraire, jamais les dites « élites » - en tout cas les hommes et femmes politiques - n’ont été aussi proches du peuple et semblables à leurs électeurs, dont ils adoptent les discours, les attitudes et les usages, à commencer une passion immodérée pour les réseaux sociaux où circulent toutes les idées et rumeurs, vraies ou fausses. Au lieu d’apporter de la hauteur de vue, les politiques se font l’écho de revendications exclusivement locales (insécurité, pouvoir d’achat, etc.), comme si l’horizon de la politique du pays s’était rétrécie à l’horizon national, en délaissant les grands enjeux internationaux et les défis de long terme. Dans sa lettre « Sur la presse », Umberto Eco dénonçait déjà, dans les années 90, cet enfermement et la pensée de plus en plus étriquée des élites. Paradoxalement, alors que la mondialisation triomphait, ce rétrécissement dans le champ local s’est poursuivi, traduisant peut-être un réflexe de crispation sur des valeurs identitaires par peur d’être emporté et balayé… Ce besoin d’enracinement se comprend et d’ailleurs, en tant que militaire des armées françaises, je partage ce sentiment patriotique et d’appartenance à une nation. Néanmoins, l’affirmation de ce que je suis ne doit pas tourné contre l’autre mais vers l’autre, dans une relation dynamique de compréhension et d’enrichissement mutuels (qu’Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau ont théorisé dans la Relation et le Tout-Monde). Le rôle des « élites » (ce qu’umberto Eco appelait la mission de la « fonction intellectuelle ») devrait être de nous entraîner dans cette mise en relation en favorisant toutes les occasions de rencontres et de mises en contact, à travers la culture, les arts, la science (et même à travers les liens économiques, qui sont aussi des échanges). Hélas, les élites semblent avoir démissionné. En fait, loin d’une rupture entre les « élites » et les « classes populaires », il y a plutôt dégradation et disparition des élites, dont la médiocrité nombriliste, l’inculture et les turpitudes ne justifient plus qu’on puisse encore les considérer comme des élites. Outre les malversations financières évoquées précédemment, on ne peut qu’être choqué par le comportement et les phrases imbéciles de certains élus ivres du « buzz » qu’ils suscitent, et qu’on imaginerait plus à leur place dans une émission de téléréalité qu’à l’Assemblée nationale. J’ai par exemple été sidéré, en France, par certaines déclarations d’Eric Ciotti ou de Laurent Wauquiez, comme celle sur la mise en détention des OQTF à Saint-Pierre et Miquelon. Sans même disserter sur la pertinence de la proposition d’un Guantanamo à la française et son immense mépris, aussi bien envers les migrants qu’envers les 6000 habitants de l’archipel, on ne peut qu’être estomaqué par sa stupidité …parce qu’elle est tout simplement logistiquement impossible ! Tant qu’à vouloir faire le buzz, Wauquiez aurait pu proposer de les expulser vers Clipperton ou les îles Crozet : c’eût été tout aussi stupide mais encore plus radical. Il est quand même grave que, à ce niveau d’incompétence et d’imbécilité, on puisse prétendre devenir Président et même continuer à être pris au sérieux dans les média !

Mais le plus grave réside dans la multiplication des mises en cause de personnalités politiques et d’élus (jusqu’au plus haut niveau : députés, sénateurs, maires, etc.) dans des affaires de viols et tentatives de viols, d’actes de violence ou de harcèlement, d’achat et consommation de drogues, etc. On aurait pu croire que DSK était un prédateur isolé mais non : il semblerait que l’addiction au pouvoir engendre une accoutumance aux rapports de force et aux rapports forcés. Néanmoins, le plus scandaleux et le plus risiblement pitoyable, dans sa médiocrité sordide, n’est pour moi pas DSK (même s’il avait placé la barre assez haut dans son agression contre une femme de chambre du Sofitel new-yorkais) mais ce sénateur qui fut, il y a deux ou trois ans, accusé de tentative de viol par soumission chimique sur une députée, et qui s’était défendu, face à l’évidence que le verre avait bien été drogué, en arguant qu’il n’y avait pas eu mauvaise intention de sa part mais que les boissons avaient été malencontreusement contaminées par les drogues dont ce sénateur avait besoin pour l'aider à surmonter le traumatisme de la mort de son chat !!!

De nombreux personnels politiques, élus ou nommés, n’ont pas les qualités morales des responsabilités qu’ils exercent et cette absence de probité constitue un grave problème. A tel point que, dans les états-majors militaires, on en vient à s’en interroger sur le risque de compromission lorsque des informations sensibles sont communiquées aux parlementaires. Plusieurs députés et sénateurs ne pourraient même pas entrer dans la fonction publique mais ils sont couverts par leur écharpe tricolore, qu’ils arborent comme un totem d’immunité autorisant des déclarations et des comportements stupides, immatures, délictueux voire criminels… Tout est possible, même récemment en France l’élection d’un député fiché S, c’est-à-dire d’une personne suspectée de pouvoir attenter à la sécurité du pays ! Il est sidérant qu’on débatte, à l’Assemblée nationale, d’enjeux de sécurité et de souveraineté dans une enceinte comportant des individus affichant leur sympathie avec des groupuscules extrémistes, ou même des mouvements terroristes et des puissances étrangères ouvertement hostiles à la France ! Parfois, après des échanges avec des élus, on se dit qu’on gagnerait à remplacer les élections par des tirages au sort dans la population : on n’y perdrait probablement rien, ni compétences ni en représentativité – mais on gagnerait à coup sûr d’éliminer tous les ambitieux qui rêvent, en se rasant depuis qu’ils ont du poil au menton, à leur jour de gloire et dont la seule légitimité est le parrainage du chef (ou de la cheffe) de clan, qui les a repérés quand ils étaient de jeunes militants zélés…

Le grand remplacement : l’avènement des milliardaires, avec la fortune comme seul critère de légitimité

Les élites démocratiques sont déconsidérées et ne sont plus respectées. Leur situation me fait irrésistiblement songer au constat d’Ortéga y Gasset qui, dans « La révolte des masses » publié en 1930, déclara que la faillite de l'aristocratie européenne résultait de son enlisement dans des privilèges qu’elle avait cessé de mériter en renonçant aux devoirs, qu’incarnait la vieille devise « noblesse oblige ». Quand l'aristocratie a cessé d'être noble au sens étymologique (c’est-à-dire quand elle a cessé d’être au-dessus des autres en raison de sa vertu ou de son mérite, et s’est contenté de jouir de son rang), elle a été renversée par le peuple. Même si elles sont datées (et parfois discutables), les considérations d'Ortéga y Gasset restent pertinentes et la démocratie représentative me semble effectivement avoir atteint un point de bascule, qui la menace d’un renversement. Mais qui renverse les démocraties ? On évoque la transformation des démocraties en « démocratures », la résurgence des nationalismes et des idéologies, etc. Tout cela est vrai mais le véritable mouvement profond me semble d’une autre nature : partout, dans tous les régimes, les différences s’estompent entre pouvoir financier et pouvoir politique. Les milliardaires sont aux commandes et, au prétexte de servir la grandeur du pays, asservissent la politique à leurs ambitions - jamais assouvies - de pouvoir et de richesse. La ploutocratie s’épanouit dans les dictatures, où la confiscation de l’économie alimente le patrimoine personnel des dirigeants et de leurs proches. On dit qu’Elon Musk est l’homme le plus riche du monde : il n’est pas certain que ce ne soit pas Vladimir Poutine, dont Alexeï Navalny avait dévoilé – bien avant la guerre en Ukraine – qu’elle dépassait 200 milliards de dollars, soit supérieure à celle de Jeff Bezos et voisine de celle d’Elon Musk à la même époque. Or l’économie de guerre mise en place en Russie pour soutenir l’effort de guerre lui a sans doute personnellement rapporté, via toutes les commandes d’Etat passées à des entreprises appartenant à des oligarques qui le remercient systématiquement en retour… Mais la ploutocratie prend aussi ses aises dans les démocraties. Aux USA, la fortune personnelle n’a jamais été honteuse mais, chez Donald Trump, la richesse est davantage qu’un atout ou un signe de réussite, elle incarne toute sa légitimité et la foi que ses électeurs, presque des fidèles, placent en lui et ses promesse d’un avenir radieux. Pendant la campagne, il était fascinant de regarder les foules qui affluaient à ses meetings, qui se pressaient à le toucher comme un roi thaumaturge et acclamaient le gourou du capitalisme triomphant en rêvant aux billets qui allaient soudain se mettre à ruisseler du ciel comme la pluie bienfaitrice que les sorciers font tomber en temps de sécheresse… On aurait dit les adorateurs d’une idole, venus l’implorer qu’il les élève à sa hauteur : « Trump est très riche donc c’est tout que lui réussit donc si je vote pour lui le pays deviendra riche donc il me rendra riche à mon tour ! » Est-ce aussi simple et stupide ? En tout cas, il y a quelque chose de la pensée magique dans la ferveur irrationnelle des Américains envers Trump, comme si sa casquette MAGA était un de ces objets qu’on ne trouve que dans les contes de Grimm, une source d’argent qui coule et ne tarit jamais ! Un véritable artefact magique car, comme le déclara le rappeur Kanye West enlaçant Trump : « quand je mets cette casquette, ça me fait me sentir comme Superman. » !

Trump n’existe que pour l’argent mais il n’existe aussi que par l’argent : son premier mandat a montré qu’il n’avait aucune autre qualité qu’être riche car il est sans aucun doute le plus grossier, le plus inculte, le plus raciste, le plus misogyne, le plus égocentrique et le plus stupide président de l’histoire américaine. Car comment qualifier autrement un homme capable :
• d’envisager sérieusement, pour endiguer la propagation du covid, des injections de javel dans les poumons, ou des expositions aux UV ? A tel point qu’un haut fonctionnaire américain, Walter Shaub, se permit de déclarer : « It is incomprehensible to me that a moron like this holds the highest office in the land and that there exist people stupid enough to think this is OK. I can’t believe that in 2020 I have to caution anyone listening to the president that injecting disinfectant could kill you. » (je me permets de traduire à toutes fins utiles : « il m’est incompréhensible qu’un pareil crétin soit aux plus hautes responsabilités du pays et qu’il existe des gens assez stupides pour penser que tout va bien. Je ne peux pas croire qu’en 2020 il me faille avertir les gens qui écoutent le président que s’injecter du désinfectant peut vous tuer »).
• de justifier sérieusement, devant un parterre sidéré ne sachant s’il faut le prendre au premier ou au second ou au dernier degré, l’arrêt du soutien américain à la résistance kurde en Syrie au prétexte que les USA ne leur devaient rien car « Où étaient les Kurdes pendant le débarquement de Normandie en juin 44 ? Ils ne nous ont pas aidés donc pourquoi on les aiderait ? »
• de qualifier (peut-être sincèrement dans sa mégalomanie) de « fake news » toute déclaration en écart avec ses affirmations délirantes, souvent si grotesques qu’elles en sont risibles ?
• d’affirmer (dans une tirade qu’on croirait plagiée sur Jean Dujardin dans OSS117 ou empruntée au président Camacho dans Idiocracy), qu’une fois élu, 24 heures lui suffiront pour régler la guerre en Ukraine et pacifier le Proche-Orient ?
• de confier sur un ton badin qu’il sait que toutes les femmes du monde sont folles de lui, et que d'ailleurs il n’a qu’à se servir…
• de demander, lors d’une réunion sur un projet de loi d’immigration, qu’on lui explique comment font tous ces Africains pour arriver aux USA depuis leurs « pays de merde ? » puis, quelques années plus tard, d’offrir l’asile politique aux afrikaners cherchant à fuir l’oppression du gouvernement sud-africain…
• d’ériger la paille en plastique et le Big Mac comme symboles civilisationnels des USA
• de se vanter que tous les dirigeants du monde viennent lui « lécher le cul » pour éviter ses taxes douanières
• ad nauseam…

La nomination des conseillers de Trump ou responsables de son administration repose également sur l’argent et des critères d’appartenance et/ou de soumission à l’argent-roi. Elon Musk, sorte de Thomas Edison des temps modernes – à la fois génial dans son approche technologique, mais obsessionnel et inhumain – n’est que la point émergée de l’iceberg : quasiment tous les milliardaires américains (dont Jeff Bezos et Mark Zuckerberg) ont fait leur pèlerinage à Mar Lago, ont prêté serment d’allégeance, et beaucoup en ont été récompensés. Outre Elon Musk, qui se comporte en éminence grise et vice-président, co-ministre avec Vivek Ramaswamy, autre milliardaire, de l’efficacité gouvernementale, il faut aussi citer Howard Lutnik au Commerce, Pam Bondi (ancienne avocate personnelle de Donald Trump) à la Justice, Jared Isaacman à la NASA, et surtout Linda McMahon, basculant du business du catch à la gestion de l’Education nationale, comme éminents symboles de la prééminence de l’argent sur la probité et/ou la compétence, sans compter tous ceux nommés à des postes d’ambassadeurs… Si Jeffrey Epstein, milliardaire proxénète que Trump fréquenta, et Bernard Madoff, ancien président du Nasdaq et gestionnaire de fortune, mais surtout célèbre comme auteur de la plus grande escroquerie financière de l’Histoire (le préjudice de sa pyramide de Ponzi est évalué à plusieurs dizaines de milliards de dollars) ne s’étaient pas fait prendre, ils figureraient probablement en bonne place dans cette fine équipe !

Les milliardaires français passent à leur tour à l’offensive, avec l’appui des média.

En France, la présence publique des milliardaires, qui ne jouissent pas de la même cote d’amour et d’admiration qu’aux USA (cf les sketchs méchamment drôles – et souvent très justes et biens sentis - des Guignols ou le film « Merci patron ! » de François Ruffin brocardant Bernard Arnauld, projetant sur sa réussite les ombres de toutes les vies qu’il a brisées), est beaucoup plus discrète, mais leur influence grandit année après année. Nicolas Sarkozy, en passant les premiers jours suivant son élection de 2007 sur le yacht de Vincent Bolloré, a mis en lumière la proximité entre le pouvoir et l’argent qui, jusqu’alors, restait une histoire de famille (car de nombreux hommes et femmes politiques viennent de familles fortunées) ou était pudiquement cachée dans les salons feutrés des hôtels particuliers, clubs et restaurants où les gens « influents » ont coutume de se retrouver pour refaire le monde à leur façon. Aujourd’hui, Vincent Bolloré ne dissimule plus sa capacité à propulser ses poulains sur le devant de la scène politique, comme Eric Zemmour dont il soutint et finança – même si en vain - la campagne lors de l’élection présidentielle de 2022. Le point d’appui des milliardaires français est la maîtrise des leviers d’opinion : quasiment tous les grands média (chaînes de télévision et journaux) et les maisons d’édition, etc. leur appartiennent via les montages financiers de leur holding. Même si Vincent Bolloré concentre l’attention et les critiques, car il est le plus visible (via Vivendi et Hachette/Editis) et le plus décomplexé (il ne cache pas ses affinités !), Martin Bouygues, Bernard Tapie, Serge Dassault, Bernard Arnault, Rodolphe Saadé, Xavier Niel, pour ne citer que les plus importants, furent ou sont également à la manœuvre et façonnent le paysage médiatique. Tout n’est pas négatif dans les financements apportés par ces « patrons milliardaires », qui contribuent à la viabilité économique des média, mais il induit dans les esprits une infiltration pernicieuse susceptible de tourner à la manipulation en faveur d’un ultralibéralisme servant les intérêts de ces patrons milliardaires.

En France, et d’une manière générale en Europe, la situation est beaucoup plus contrôlée qu’aux USA mais on ressent néanmoins, en France, une volonté affirmée de dérégulation – presque une revendication ressassée à la moindre occasion - au nom des libertés, en premier lieu celle de s’enrichir et d’entreprendre. Le problème, c’est que, autant il est salutaire de ne pas réprimer les libertés de penser et de s’exprimer, autant on ne peut que déplorer l’étalage de préjugés et d’amalgames dont les journalistes et leur cohorte de spécialistes de plateau télé sont – à des degrés divers – l’incarnation et/ou l’émanation. Il est normal que les journalistes et présentateurs, amenés tout au long de l’année à intervenir sur les sujets les plus divers, ne puissent tous les maîtriser (notamment les sujets scientifiques et techniques, sur lesquels tous les journalistes présentent d’importantes lacunes) et commettent parfois des erreurs grossières, assez fréquentes lorsqu’ils s’appuient sur des chiffres qu’ils manipulent hors contexte. Et même des spécialistes, y compris les grands politologues de plateau issus de « think tank » et d’instituts, peuvent débiter des inepties dans l’analyse de pourcentages qu’ils comparent et interprètent n’importe comment en oubliant les variations de la base de référence (* : voir exemple ci-dessous). Néanmoins, comme si la fonction faisait la compétence, ils n’ont jamais la modestie de leurs limites de compréhension et assènent, avec une assurance sidérante, des pseudo-vérités, donnant le sentiment d’un journalisme promouvant la dérégulation et l’abolition du carcan normatif qui entrave les grands patrons, seuls capables de sauver la France… Pascal Praud en est l’exemple caricatural. J’ai peu d’estime pour le journaliste (nota : je ne dis rien de la personne, puisque je ne la connais pas) et j’évite ses émissions autant qu’il m’est possible mais il m’arrive parfois de ne pouvoir y échapper. Par exemple, lors d’un court séjour à Angoulême, dans la chambre d’hôtel, j’ai zappé malencontreusement sur CNEWs et suis resté scotché par la stupidité d’un débat sur l’agriculture et les pesticides, qu’animait Pascal Praud. Avec une verve indignée, il vitupérait la main sur le cœur contre les bobo-technocrates parisiens qui interdisaient aux agriculteurs des campagnes françaises d’utiliser des pesticides systémiques (comme le « gaucho ») alors qu’ils en avaient besoin pour rester compétitifs. Entre les agriculteurs et les abeilles, son cœur ne balançait pas. Depuis ma lecture de « Et le monde devint silencieux », je n’adhère pas à ce discours ; néanmoins, je peux entendre des arguments économiques …mais là, comment ne pas être affligé ? Implorant le retour du bon sens (notion dont il faudrait apprendre à se méfier !), Pascal Praud affirmait – et personne ne pipait mot sur le plateau, pas même la « spécialiste » venue présenter son livre sur l’agriculture – que les pesticides systémiques, étant enrobés dans la semence, ne pouvaient pas nuire aux abeilles …puisqu’on n’a jamais vu des abeilles venir butiner les racines !!! A ce niveau, on peut soit déplorer une terrifiante imbécillité (mais qui visiblement n’est pas incompatible d’un poste d’animateur ou de chroniqueur à la télévision) soit suspecter une campagne de désinformation et d’abrutissement… Indépendamment de ses idées politiques (chacun a le droit d’avoir les siennes) et de sa culture approximative (qu’il s’efforce de faire briller autant qu’il peut), je ne peux pas supporter d’écouter Pascal Praud quand il se présente comme le chantre d’une parole libre bâillonnée par la bien-pensance et comme le héraut d’une France populaire, alors qu’elle est bien loin éloignée de sa réalité (même s’il refuse d’évoquer ses revenus, il serait étonnant qu’il ne gagne pas au moins 15 000 euros / mois !) et que tout son discours ne fait que répéter – en perroquet bien apprivoisé – les mantra d’une droite libérale et traditionaliste, dont Vincent Bolloré est le parangon. Je viens de longuement dénigrer Pascal Praud mais je pourrais répéter l’exercice sur quasiment tous les journalistes des chaînes info (à l’exception notable de France24, malheureusement trop peu écoutée). Ainsi, bien que son style et sa maîtrise du débat soient sans rapport avec la médiocrité étalée par Pascal Praud, Darius Rochebin présente sur LCI un journal où il ressasse, à travers des comparaisons historiques trop superficielles pour être réellement pertinentes, son admiration du modèle libéral des anglo-saxons, qu’il ne cesse de célébrer (de Churchill à Reagan) et, avec une retenue qui le rend non immédiatement perceptible, un mépris de classe qui (grâce au direct) affleure dans certaines déclarations spontanées, comme celle du 30/12/2024 où il s’étonna, avec une fausse naïveté coutumière chez lui, des stéréotypes anti-occidentaux ancrés dans les élites russes, « des gens qui pourtant connaissaient bien le monde occidental, des gens fortunés, éduqués, des intellectuels ou des sportifs qui voyageaient, pas des paysans du fin fond du bled ». Contrairement à Michel Serres, qui a connu et beaucoup loué la vie paysanne, Darius Rochebin ignore visiblement qu’il y a des « paysans », (tels Pierre Rahbi, philosophe paysan attaché au travail de la terre, ou Jacques Maritain, qui se surnomma lui-même, dans son dernier livre : « Le paysan de Garonne », et aussi des poètes, comme en Roumanie Lucian Blaga ou Vasile Dancu (que j’ai découvert récemment), qui ont dans leurs oeuvres célébré le village), bien plus instruits et éduqués que des milliardaires de naissance ou « self-made », dont le talent se limite à savoir négocier des « deals » ou à taper dans une balle (de tennis, de football, de golf, etc). Quant à l’intensité du nationalisme des intellectuels russes, il aurait suffi à Darius Rochebin de lire Soljenitsyne (notamment « L’erreur de l’Occident » ou « Le grain tombé entre les meules ») pour comprendre que le rejet du modèle soviétique ne signifie pas adhésion au modèle occidental, et que Soljenitsyne, à sa mort en 2008, n’était pas loin de renvoyer dos à dos le totalitarisme politique de l’URSS et le totalitarisme capitaliste des USA, comme deux meules qui broient et détruisent l’humanité…

[*] : en exemple d’analyse totalement erronée sur des chiffres, je prends pour exemple l’évolution des taxes foncières entre les grandes villes de France, qui ont globalement augmenté pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. Les journalistes condamnaient l’explosion des taxes dans certaines villes (dont Paris), où la hausse a parfois atteint + 50 %, et louaient la bonne gestion d'autres villes, où la hausse était contenue (avec une hausse à + 10%). Cette analyse n’a aucune valeur. Imaginons deux villes A et B dans deux situations d’endettement très différentes, qui décident chacune d’augmenter la taxe foncière de 100 euros : la ville A passant de 200 à 300 euros (soit + 50%) et la ville B passant de 1000 à 1100 euros (soit + 10%). Il est évident que chacun préfèrerait payer sa taxe dans la ville A, malgré cette hausse de + 50%. J’ai choisi un exemple simple mais ces analyses erronées se retrouvent aussi dans l’interprétation de l’évolution des votes sur plusieurs élections. Sans oublier toutes les balivernes « pseudo-scientifiques » sur l’évolution des différents variant de la pandémie du covid, avec des chiffres ânonnés par des journalistes ou des politiques qui n’y comprenaient visiblement rien…

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